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"Les gens de la pluie" de Francis Ford Coppola

 Avant que la séance ne commence, je me rappelle de cet homme qui s'aperçoit s'être trompé de salle et jure plusieurs fois avant de partir. C’est bête, il a peut-être raté là un film qui lui aurait plu à lui aussi, "Les gens de la pluie" de Francis Ford Coppola. Je ne l'ai pas regardé de nouveau par choix mais j'en ai des souvenirs forts, encore des mois après.

Aimant les roads movies, ce film avait toutes les chances de me plaire. Elle est au volant, lui est sur le siège passager. Et moi j'ai comme la sensation d'être sur la banquette arrière depuis mon fauteuil de cinéma. Être spectatrice et passagère du film. L'écran du cinéma devient la fenêtre d'une voiture, j'observe ce qu'il se passe, totalement absorbée par les moindres détails.

C'est surtout elle que je regarde, cette femme enceinte qui fuit et vient de laisser son époux, encore endormi dans le lit. Pour lui je n'éprouve rien, il se réveillera et verra qu'elle n'est plus là, tant pis. Elle ne sait pas où elle va et étonne à travers son comportement limite enfantin. Elle est indécise et joueuse, notamment avec cet homme rencontré au bord d'une route qui devient son compagnon de fuite. Alors que ça pourrait être vu comme des défauts, j'ai au contraire de l'empathie et une certaine fascination pour elle.

Elle c'est Nathalie et l'auto-stopper c'est Killer. Ce sont deux âmes un peu perdues qui se rencontrent, celles qui sortent des normes mais chez lesquelles on peut se reconnaître. Il y a cette scène dans le motel, tous les deux sont dans la même pièce mais ne sont pas au même endroit mentalement. C'est parfois doux et tendre, ils semblent essayer de s'apprivoiser sans trop savoir comment faire. C'est de là que surgit la beauté du film, montrer ces incompréhensions relationnelles sans trop de dialogues, ce qui parle est ailleurs. J'aime aussi ce film parce que je me laisse totalement happer par l'histoire, la lenteur me fait accrocher un peu plus. Elle m'amène là où je ne pensais pas aller, jusqu'à cette fin tragique qui se clôture par un coup de pistolet.

Ce n'est pas un film grandiloquent mais j'ai l'impression d'assister à quelque chose de grand et intimiste. Grand par son universalité, sa capacité à me toucher alors que je me sens en même temps si différente et proche de Nathalie. Le fait que je sois autant captivée par ce film alors qu'il s'agit d'une fiction me fait l'aimer encore plus. Je peux parfois avoir tendance à analyser le film que je vois, réfléchir aux procédés filmiques, cette fois-là ce n'est que ressenti. Il me plaît et comme toutes ces choses que l'on peut trouver attirantes et touchantes, je ne peux pas totalement expliquer pourquoi. Tout n'est pas rationnel et analysable, seulement des sensations et émotions.

J'aime la fin tragique, les personnages mélancoliques, les musiques nostalgiques, les plans poétiques. Et surtout j'aime ce personnage féminin, son choix de partir, sa rencontre avec l'autre, son courage de traverser l'inconnu, à la recherche d'un ailleurs.

Je me lève du fauteuil et claque la porte de la salle, avec cette impression d'être arrivée ailleurs, enchantée du voyage que je viens de faire et voir. Et je sais déjà que ce film rejoindra les autres, ceux pour qui j'ai un affect particulier.

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